Il y a à peine une cinquantaine d'années de cela, l'été, les habitants se rendaient au bord de l'Orb à la petite plagette qui s'était formée sur la rive du fleuve, abritée par les arbres. Le dimanche après-midi, les jeunes allaient s'y baigner, faisant entre eux un concours : celui qui nagerait le plus longtemps et qui traverserait le maximum de fois le fleuve à la nage ; ils étaient deux qui, excellents nageurs, étaient toujours les gagnants.
Mais c'était en début de soirée que cette plagette était la plus fréquentée par les familles venant y pique-niquer. Sur le chemin y menant, c'était une véritable procession, certains avec des brouettes chargées de bonbonnes d'eau et de paniers à bouteilles de vin, d'autres, des fagots sous le bras et d'énormes grils qui serviraient à faire griller les saucisses, les côtelettes ou encore la ventrèche.
Pendant que les hommes préparaient les grillades, les femmes, aidées des enfants, attachaient de vieux draps entre les arbres pour faire le maximum d'ombre et là, assis sur des couvertures, on ouvrait les boîtes de pâté, de sardines ou on mordait à belles dents dans de larges tartines de pain garnies d'une omelette ou d'une tranche de jambon, en plaisantant, oubliant les soucis pour quelques instants. À la nuit tombée, on pliait bagages et la panse bien remplie, on faisait le trajet inverse, plus d'un kilomètre jusqu'à l'entrée du village. Et si, parfois, on éclairait le chemin avec une lampe, la plupart du temps on n'en avait nul besoin.
Puis arriva le temps des mobylettes, permettant aux jeunes de se déplacer plus facilement. Ceux-ci préférèrent alors se rendre à la Grande Maïre, imités par les adultes. La petite plage sauviannaise fut alors abandonnée, petit à petit. Seuls quelques pêcheurs s'y retrouvaient encore, quelquefois, jusqu'à ce qu'elle devienne la décharge municipale. Lorsque celle-ci fut déménagée, on ferma l'accès et, même si les arbres sont toujours là, la végétation a repris le dessus.
Notre petite plage, notre plagette, comme les Sauviannais l'appelaient, n'est plus fréquentée de nos jours que par le gibier qui y trouve refuge pour échapper aux chasseurs...
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